le Village des Gaulois Toujours Rouleurs
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 Tellement vrai

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Connie and Clyde
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Connie and Clyde


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Tellement vrai Empty
MessageSujet: Tellement vrai   Tellement vrai Empty27/9/2013, 11:16

C'est long mais bien fait

a prendre au second degré


Toute société fonctionne sur un phénomène de rites auxquels on confère une valeur plus ou moins sacrée selon les cas. Plus le groupe est restreint et plus les gestes rituels apparaissent obscurs aux yeux des non initiés.

Il en va de même pour la société des motards qui installe à la fois des gestes de reconnaissance (le salut de la main, le remerciement pédestre, etc.) et des paliers initiatiques.

Parmi ceux-ci l’un a attiré particulièrement notre attention :
L’examen de la bande de peur et du pneu carré
1 – Observation en situation.

C’est sur le parking d’un supermarché, un dimanche matin que tout commence. Des motard(e)s venus de tous les horizons se retrouvent afin de se promener, de s’arsouiller ou d’enrouler (selon les cas) ensemble sur des routes sinueuses et bucoliques. Pendant que le groupe se constitue et que les retardataires se font attendre, de nombreux individus se placent discrètement derrière les motos à l’arrêt de leurs camarades afin d’observer, d’un air détaché, leur pneu arrière. Cette observation se conclue généralement par deux mimiques caractéristiques : la moue déconfite ou le sourire légèrement narquois. Ce rite impénétrable semble avoir une valeur de classification hiérarchique chez la gente motarde. Est respecté celui qui provoque le plus grand nombre de moues déconfites.

Afin de lever le voile sur cette pratique initiatique procédons méthodiquement.
2 – Définitions et significations

A/ La bande de peur.

La bande de peur est un liseré plus ou moins large bordant la surface extérieure du pneu. Elle se matérialise à la fois chromatiquement et tactilement. Il s’agit d’une zone qui n’a pas été en contact avec le bitume : elle demeure donc intacte. Elle paraît généralement légèrement plus claire et plus brillante que le reste de la gomme usée qui sera d’un noir mat assez prononcé. Au touché elle est lisse et douce quand la bande de roulement semble au contraire rugueuse et légèrement abrasive. De cette bande de peur dépend l’honneur du motard.

Plus elle sera large et plus le motard sera susceptible d’être soumis aux sourires narquois de ses semblables. A l’inverse plus cette zone latérale sera réduite et plus le propriétaire du pneu sera respecté.

B/ Le pneu carré

La bande de roulement, à force de rouler sur des surfaces sans virage, a tendance à s’user à plat et à s’élargir progressivement. Ce phénomène engendre un pneu de moins en moins rond qu’on appelle couramment : un pneu carré. Il s’agit d’une autre cause de moquerie ou de fierté. Evidemment ceux qui, malgré eux, en souffrent le plus sont les motards vivants dans des zones où le virage se fait à la fois rare et convoité. Le pneu carré dépend donc à la fois de la prudence de son propriétaire face à la courbe mais également de la zone géographique dans laquelle il évolue. Evidemment ce phénomène privilégie nettement le motard montagnard.


C/ Un symbole de puissance

Dans le domaine pneumatique où il ne connaît pas de rival (certains motards particulièrement talentueux sont capables d’établir des pronostics de course seulement en fonction des pneus chaussés par les pilotes) le motard sait se situer par rapport à ses congénères.

La bande de peur constitue l’échelle à partir de laquelle il va mesurer sa puissance, son talent voire sa virilité. La gestuelle adoptée dans ces cas là est simple mais peut prêter à confusion : l’espace formée entre le pouce et l’index doit être le plus petit possible pour avoir l’assurance d’être respecté. Il n’est pas rare de voir plusieurs motards désigner mutuellement leur place au sein du groupe par un pouce et index se rejoignant pratiquement. Ici, contrairement aux rites humains habituels, la puissance virile est inversement proportionnelle à la taille. Et le motard le plus respecté sera celui qui affirmera bien haut : « C’est moi qui est la plus petite ! »

Combien de cuireux casqués ont eux aussi rêvé de posséder à leur tour la plus petite de la bande… ?
D/ Mise en situation

Tu viens d’obtenir ton permis et tu décides de participer à une balade en groupe. Sur le forum auquel tu participes tu trouves une sortie près de chez toi. Tu demandes si tu peux te joindre au groupe. On te répond qu’il n’y a pas de problème. Jusqu’ici tout baigne. Puis vers 22h, c’est le drame. Alors que tu suis le post pour te tenir au courant des préparatifs tu découvres le message d’un certain Mégagazadonfanderossi 46 :

1. Salu. J’vien d’voir den ton profil q taitai un jeune permi lol. J’espair q tu va panou j’té la onte avec des bande de peur… Mort de lol.

Face à une telle remarque la perplexité t’envahit : c’est quoi une bande de peur ? Tu consultes fébrilement tes fiches de permis mais il n’en est fait mention nulle part. Tu tapes alors le terme « bande de peur » dans le moteur de recherche du site auquel tu t’es inscrit… et ton écran se met à crouler sous les titres de posts. Tu les lis tous et découvres avec terreur les mystères de la bande de peur… incidemment tu découvres également le terme « pneu carré ». Au petit matin la zone périphérique du pneumatique n’a plus de secret pour toi… et tu sais que tu dois absolument t’en débarrasser pour ne pas passer pour le poireau de service.
1 – Les virages

Le meilleur moyen pour se débarrasser de cette honteuse bande de peur demeure le plus classique : prendre des virages. Tu te concoctes donc un itinéraire tortueux et te mets à l’arpenter de long en large. Après une demi journée passée à pencher sur les routes viroleuses tu souffres d’un léger mal de mer mais tu es ravi, ton pneu a dû sacrément changer d’aspect. Tu descends alors de ta bécane et constates avec dépit qu’il te reste encore trois bons centimètres de caoutchouc intact… et oui mon ami… dans les virages il faut pencher, aller relativement vite et éviter au maximum de freiner… la bandedepeurophobie est, il est vrai, parfois suicidaire…
2- Le rond-point

Après cet échec cuisant tu cogites longuement. Et puis vient la lumière, l’eurêka tant attendu, la bouffée d’espoir… Cette illumination se matérialise sous la forme du rond point de ton quartier. Mais c’est bien sûr ! Pourquoi ne pas y avoir songer avant ? Tu te précipites sur ton casque et enfourches ta bécane à la vitesse de l’éclair. Au bout de la rue, telle une île miraculeuse émergeant d’un fleuve de bitume, recroquevillé entre l’épicerie et le bureau de poste, il t’apparaît : le rond-point, le cadeau que t’envoie le ciel pour laver à tout jamais ta honte et briller au firmament du monde motardesque. Tu t’engages autour de la protubérance semée de gazon asthmatique et figurant vaguement un chalet andalou (très rare) et une forêt de platanes nains.

Les tours s’enchaînent de plus en plus vite et tu sens nettement que tu prends de plus en plus d’angle. Après avoir manqué de te manger trois mobylettes de postier, la camionnette de l’épicier et une demie douzaine de voitures impatientées par ton manège, tu finis par t’arrêter afin de régurgiter ton déjeuner derrière un bac à fleurs (tu as eu la présence d’esprit d’enlever ton casque). Néanmoins la partie gauche de ton gommard a pratiquement perdue la totalité de son ruban d’infamie. Par contre, évidemment, la droite n’a pas bougée. Tu en viens presque à regretter ta brillante idée… tes congénères, face à une telle disproportion pneumatique découvriront sans aucun doute ton stratagème (et tu ne connais pas encore l’excuse dite du « meilleur côté »).
3- Rouler avec madame

Après une sévère gamberge faite de savants calculs de masse, d’inertie, de force centripète ou centrifuge et de rayon de virage tu aboutis à cette conclusion : tu n’es pas assez lourd. Tu te dis qu’avec plus de poids tu auras plus de chance de pencher. Ta femme n’a alors pas le temps de formuler la moindre objection qu’elle se retrouve assise derrière toi… qui attaque comme un dingue malgré les hurlements paniqués de ta compagne.

Tu penches le plus possible en suivant bien les consignes de trajectoire apprises durant le permis ; au bout d’une heure de virages très appuyés tu finis par rentrer car tu en as assez que ta chère et tendre te martèle le casque à coups de poings furieux… Il faut dire que le trajet sinueux l’a un peu éprouvé… et bien sûr elle ne pouvait pas enlever son casque (et va trouver un bac à fleurs sur une départementale de montagne)… Bref, après avoir évité de justesse le divorce tu te mets à nouveau à observer ton boudin (pas celui qui vient de te promettre de longues nuits d’abstinence, l’autre, celui qui chausse ta roue arrière).

Constat général : c’est légèrement mieux mais ce n'est pas encore çà.

4- Le sous gonflage

Tu décides de tenter une nouvelle expérience (tu n’es plus à une près aujourd’hui).

Tu dégonfles un peu tes pneus en espérant que la surface de contact au sol sera plus importante. Cela te semblait très futé sur le coup mais après quelques virages tu te mets à regretter cette initiative : ta bécane louvoie dans tous les sens, tu as l’impression de rouler dans du sable et manque de t’emplafonner dans une glissière de sécurité.

Bref, après avoir risqué ta vie une bonne demi douzaine de fois (oui, six) tu jettes l’éponge et rentres définitivement au bercail.

5- La lime et le papier de verre

Toute la nuit tu te tournes et te retournes sur le canapé (madame a tenu parole) en te posant cette ancestrale et vitale question : comment éviter l’opprobre ? Ne pouvant décidément pas dormir tu te lèves et t’habilles en silence pour ne pas éveiller ta femme qui dort dans la chambre. Tu pénètres dans le garage sur la pointe des pieds afin que tes voisins évitent de te prendre pour un malandrin et ne t’envoient la maréchaussée. Ta moto est, là, fatiguée. Il faut dire que tu l’as malmenée aujourd’hui… Et pourquoi finalement ?… Pas grand-chose, c’est vrai… Une vague aura de respect… Un petit morceau de reconnaissance un peu ridicule… Une miette de fierté superfétatoire : quelques centimètres de caoutchouc...
Tu en es là de tes pensées et tu t’apprêtes à regagner tes pénates afin de négocier une trêve avec ta femme lorsque ton regard est accroché par un reflet sur une étagère. Toutes tes réflexions et tes bonnes résolutions te quittent aussitôt. Tu te précipites sur la caisse métallique et en extrais une lime et une feuille de papier de verre.

Au milieu de la nuit, en pyjama, à genoux dans ton garage, tu passes une heure à frotter tes gommards…

6- En guise de conclusion

Le lendemain matin, sur le parking du supermarché où vous vous êtes donné rendez-vous, toi et tes futurs camarades de balade, tu arbores un sourire radieux qui ferait presque oublier tes larges cernes. Tes pneus sont totalement dépourvus de bande de peur. Lorsque les autres se pointent enfin, tu profites des présentations et des retrouvailles pour te pencher, l’air de rien, sur le caoutchouc arrière des autres bécanes… et là c’est la surprise : presque toutes possèdent une bande de peur… D’abord surpris, ton regard se met à briller et tu ne peux t’empêcher d’esquisser ce fameux petit sourire narquois que tu as tant de fois vu sans en saisir réellement le sens. Évidemment ton grimacent ironique ne passe pas inaperçu et tu découvres alors ce qui fait également le charme de la gente motarde : la mauvaise foi.

Pour ne pas laisser notre lecteur sur sa faim ou afin de lui permettre d’éviter les remarques de ses camarades voici quelques excuses plus ou moins crédibles :

1. Je rode mes nouveaux joints de culasse
2. Mes pneus sont neufs
3. Ma bécane est neuve et je l’ai pas encore bien en main
4. En ce moment je ne fais que de l’autoroute
5. Je roule avec ma femme et elle aime pas quand ça tourne
6. Je roule de façon contemplative, ça se fait aussi
7. Ouais, mais moi je passe pas ma nuit avec une lime dans mon garage
8. Mes pneus sont un peu surgonflés
9. Non, c’est une décoloration du gommard
10. J’viens de prêter la bécane à un pote, j’ignorais que c’était un tel poireau
11. Ouais bah toi t’habites pas en Normandie / à Paname / aux Pays-Bas / en Beauce (au choix)
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